Cette semaine, c’est Insaf Dafa notre nouvelle stagiaire qui écrit l’article de la semaine. Elle est étudiante en journalisme et en audiovisuel. Bonne lecture !
✍️ Insaf Dafa, stagiaire et étudiante en journalisme et audiovisuel
Ce nom, Maria Salomea Sklodowska, vous évoque-t-il un souvenir ?
C’est le nom de naissance de Marie Curie, l’éminente scientifique qui a révolutionné la médecine avec la découverte de la radioactivité. Elle est la première femme professeure d’université en France et la seule femme à avoir reçu deux Prix Nobel dans deux domaines différents !
D’origine polonaise, Maria fait partie de ces milliers de Polonais qui sont partis en France au XIXe siècle afin d’aspirer à une vie meilleure.
Un exil d’abord politique
Marie Curie est née en Pologne occupée, en 1867. Suite à l’échec de l’Insurrection de Novembre (1830-1831), la Pologne demeure sous la domination de l’Empire russe. Ces premières insurrections et celles de 1863 (dite Insurrection de Janvier) sont violemment réprimées. Elles sont à l’origine des premiers flux migratoires de Polonais vers la France. Il s’agissait principalement d’exilés appartenant à l'élite intellectuelle, politique et militaire. La migration de Marie Curie s’inscrit dans cette première vague d’exil. Sa situation n’est cependant pas à l’image de la majorité des immigrés polonais venus France dans les décennies qui ont suivi. Et puisque la migration polonaise est très peu connue, nous vous l'expliquons brièvement.
Puis des flux migratoires majoritairement économiques
Après la Grande Dépression des années 1873 à 1896, la France connaît sa deuxième Révolution industrielle, appelée la Belle Époque. L’économie repart à la hausse mais il manque de la main d'œuvre dans les champs, ainsi que dans les mines et les industries. Quelques milliers de travailleurs saisonniers polonais sont d’abord recrutés pour pallier l’exode rural. Puis au début du XXe siècle, ils sont environ 10 000 à venir travailler dans les mines et les industries, principalement dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais.
Durant la Première Guerre mondiale, certains travaillent pour remplacer les soldats mobilisés tandis que d’autres rejoignent les troupes françaises.
En 1919, la Pologne obtient son indépendance et signe une convention avec la France qui prévoit d’envoyer de la main-d'œuvre polonaise pour combler les pertes humaines de la Grande Guerre. En Pologne, le contexte est également propice au départ, la jeunesse polonaise en pleine croissance démographique ne trouve pas assez de travail dans les industries locales encore peu développées. Le nombre de travailleurs polonais augmente rapidement. On compte l’arrivée de 200 000 mineurs (1919-1930) et 72 000 ouvriers agricoles (1920-1925) selon les sources du Centre Historique Minier de Lewarde et le Musée de l’histoire de l’immigration à Paris. Au total, plus de 507 000 Polonais vont venir travailler en France (jamais tous en même temps puisqu’il s’agit de contrats temporaires), faisant des Polonais la deuxième nationalité étrangère la plus représentée en France après les Italiens.
Cependant, la crise économique de 1930 qui frappe sévèrement la France entraîne l’expulsion d’une partie des travailleurs polonais. À cette période, l’équation “crise économique” + “présence étrangère importante” = “violences xénophobes”, est de nouveau démontrée. Un climat de nationalisme, de xénophobie et d’antisémitisme s’installe progressivement.
Si cette histoire migratoire est de nos jours peu connue du grand public et que les immigrés polonais ont une “bonne image” d’immigrés “bien intégrés”, voire “assimilés”, ils ont été la cible de préjugés et de discriminations.
Dans les années 1930, la xénophobie, entretenue par les médias d’époque, était alimentée par plusieurs logiques, dont celle raciale. Une partie des étrangers étaient considérés comme “assimilables” : principalement ceux originaires des pays du Nord comme les Belges, et les autres étaient considérés comme “non assimilables” comme les Italiens, les Slaves (dont les Polonais) mais aussi les Juifs pour les antisémites. Les Polonais souffraient de plusieurs clichés : “alcooliques par nature”, “trop religieux”, etc. Une autre logique qui alimentait ce sentiment anti-immigrés était également très présente dans les discours et elle concernait la plupart des travailleurs immigrés de l’époque : les immigrés étaient accusés de créer de la concurrence déloyale en acceptant des conditions de travail pénibles, dans un contexte de crise économique.
En 1939, suite à l'invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie. Une nouvelle vague migratoire marque les relations entre la France et la Pologne : des Polonais se réfugient en France et s’allient contre l’ennemi allemand.
Sitôt la Seconde Guerre mondiale terminée, la Pologne réclame le rapatriement des polonais émigrés en France afin de permettre la reconstruction du pays. Ces derniers sont tiraillés entre le choix de retourner dans leur pays natal ou de demeurer en France. La majorité choisit de rester car la France est maintenant un lieu de vie et d’intégration.
Au fil du temps, les Polonais se sont organisés en communauté et ont créé des “petites Pologne” qui faisaient vivre leur langue, leur culture ainsi que leurs coutumes. On y retrouvait des commerces, des écoles, des églises et même des associations.
Qui aurait imaginé un jour qu’une jeune fille polonaise immigrée marquerait l’Histoire de la France ?
Une carrière fructueuse à Paris
Marie Curie est issue d’une famille instruite de la petite noblesse polonaise, ses deux parents sont enseignants et lui ont transmis l’amour du savoir dès son plus jeune âge.
Élève intelligente, elle excelle dans les sciences et rêve de poursuivre ses études universitaires, mais l’accès à l’enseignement supérieur pour les femmes est interdit dans son pays natal. C’est ainsi que Marie décide de partir à Paris en 1891 pour s’inscrire à la Sorbonne. Elle obtient brillamment deux diplômes : une licence en sciences physiques en 1893, puis une licence en sciences mathématiques en 1894. Cette même année, elle fait une rencontre bouleversante : celle de son futur époux, le physicien Pierre Curie. Désormais, Maria Sklodowska s’appelle Marie Curie.
La passion pour la science les réunit et ils travaillent ensemble sur la découverte d’éléments jusque-là inconnus : le radium et le polonium, en référence à ses origines polonaises.
Marie Curie invente le terme de “radioactivité” pour désigner “la transformation des atomes avec une émission de rayonnements”.
Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives scientifiques et contribue à la grande renommée du couple, leur octroyant le prix Nobel de physique en 1903.
Suite au décès de Pierre Curie dans un accident de route en 1906, Marie succède à son mari à la Faculté des Sciences de Paris et devient donc la première femme professeure d’université en France !
Par la suite, en 1909, elle dirige l’Institut de Radium abritant deux laboratoires afin de poursuivre ses travaux de recherches sur la radioactivité. Deux ans plus tard, elle reçoit un prix Nobel de chimie.
Une femme ingénieuse
Au cours de la Première Guerre mondiale, Marie Curie s’engage dans la formation des infirmières à l’usage des machines à rayons X. Avec l’aide de la Croix-Rouge, elle met en place 18 voitures à rayons X appelées “petites Curie”. Ces équipements ambulants permettent la prise en charge rapide des blessés en réalisant des radiographies afin de localiser les éclats d’obus et les balles dans le corps.
Grâce au développement de l’imagerie médicale, Marie Curie a pu sauver plus d’un million de blessés mais l’utilité de son invention va au-delà.
En 1920, Marie Curie découvre l’efficacité de la radioactivité dans les traitements contre le cancer et crée la Fondation Curie. Elle parvient à récolter des fonds afin d’agrandir ses laboratoires et investir dans les thérapies contre le cancer.
Elle poursuit ses activités dans la recherche et l’enseignement et collabore avec des savants et des scientifiques du monde entier.
Le 4 juillet 1935, l’illustre Marie Curie décède d’une leucémie, causée par l’exposition prolongée aux radiations.
“Marie Curie”, ce nom est gravé dans l’histoire de la science. Cette femme polonaise qui a quitté son pays natal en quête du savoir est parvenue à inspirer des générations entières de Français. Son pays d’accueil lui a fièrement rendu hommage en l’inhumant avec son époux au Panthéon.
Excellent article, bien écrit, précis et inspirant ! Merci